Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/466

Cette page n’a pas encore été corrigée

tante. J’en connais très-bien la direction, et je crains de ne pas me tromper. »

On déplora la destruction de ces beaux bâtiments, et l’on calculait la-perte.

  • Cependant, ajouta Frédéric, il m’est venu une bizarre pensée, qui peut du moins nous rassurer sur le singulier signal du secrétaire. Avant tout, remarquons bien la minute à laquelle nous avons entendu le craquement. »

On calcula et l’on reconnut que ce pouvait être à onze heures et demie.

« Eh bien ! fiez tant qu’il vous plaira, poursuivit Frédéric, mais je vous dirai ma supposition. Vous savez que notre mère donna, il y a quelques années, à notre tante un secrétaire,semblable, on pourrait dire tout pareil à celui-ci. Tous deux ont été fabriqués dans le même temps, du même bois, avec le plus grand soin, par le même maître, et je gagerais que, dans ce moment, l’autre secrétaire est la proie des flammes avec la maison de notre tante, et que son frère jumeau en est affecté. J’irai ce matin moi-même, et je tâcherai d’éclaircir, aussi bien que possible, ce fait extraordinaire. »

Frédéric avait-il réellement cette opinion, ou le désir de calmer sa sœur n’était-il pas pour quelque chose dans cette saillie ? c’est ce que nous ne voulons pas décider. Quoi qu’il en soit, on en prit occasion de discourir sur quelques sympathies incontestables, et l’on finit par trouver assez vraisemblable celle qui existerait entre deux bois produits par une même tige, entre des ouvrages fabriqués par le même ouvrier. On convint que de pareils phénomènes pouvaient aussi bien passer pour des phénomènes naturels, que d’autres, qui se répètent plus souvent, que nous touchons de nos mains, et que pourtant nous ne pouvons expliquer.

« En général, dit Charles, il me semble que chaque phénomène, comme chaque fait en soi, est proprement ce qui intéresse. Celui qui l’explique, au qui l’enchaîne avec d’autres événements, ne fait d’ordinaire que s’amuser lui-même et se moquer de nous, comme, par exemple, le naturaliste et l’historien. Un fait ou un événement isolé est intéressant, non parce qu’il est explicable ou vraisemblable, mais parce qu’il est