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il fut surpris et charmé de sa proposition. Elle le pria instamment de rester son ami, et de n’élever aucune des prétentions d’un amant. Elle lui fit part d’un embarras où elle se trouvait alors, et dans lequel il pouvait, avec ses relations diverses, lui donner le meilleur conseil, lui tracer la marche la plus prompte et la plus avantageuse. De son côté, il lui confia sa position, et, comme elle sut le rassurer et le réconforter, comme, en présence de la jeune femme, bien des idées se développèrent, auxquelles il n’aurait pas songé sitôt, elle parut, à son tour, être sa conseillère, et une amitié mutuelle, fondée sur la plus noble estime, sur les plus chers intérêts, ne tarda pas à s’établir entre eux.

Malheureusement, quand on accepte des conditions, on n’examine pas toujours si elles sont exécutables. Le Génois avait promis de s’en tenir à l’amitié, de ne point prétendre aux droits d’un amant ; et cependant il était forcé de reconnaître que les amants favorisés se trouvaient partout sur son chemin, qu’ils lui étaient extrêmement odieux, et même tout à fait insupportables. Sa douleur était au comble, quand son amie l’entretenait, souvent d’un ton enjoué, des bonnes et mauvaises qualités de quelqu’un d’eux, semblait connaître parfaitement tous les défauts de l’amant favorisé, et, le même soir peut-être, comme en dérision de son digne et cher ami, reposait dans les bras de l’homme sans mérite.

Par bonheur, ou par malheur peut-être, il arriva bientôt que le cœur de la belle se trouva libre. Son ami s’en aperçut avec joie, et tâcha de lui représenter que la place vacante lui appartenait de préference à tout autre. Ce ne fut pas sans combat et sans répugnance qu’elle prêta l’oreille à ses vœux.

« Je crains, disait-elle, de perdre par cette complaisance ce qu’il y a de plus précieux au monde, c’est-à-dire un ami. »

Elle avait bien prophétisé : car, à peine eut-il vécu quelque temps auprès d’elle en sa double qualité, que ses caprices commencèrent à devenir plus pénibles. Comme ami, il exigeait toute l’estime de la belle ; comme amant, toute sa tendresse, et, en sa qualité d’homme agréable et sage, une conversation assidue. Mais ce n’était point l’humeur de la vive jeune fille ; elle ne pouvait se résoudre à aucun sacrifice, et n’avait nulle envie