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LOUISE.

Qu’importe ce qui me plaît ? et à quoi bon tant de paroles ? Que l’on prenne la chose comme on voudra, ce seront des histoires scandaleuses, d’une manière ou d’une autre, scandaleuses et voilà tout.

LE VIEILLARD.

Dois-je le répéter, mademoiselle ? une personne sage ne voit le scandale que dans la méchanceté, l’orgueil, l’envie de nuire, la répugnance à prêter secours ; elle en détourne les yeux, mais, en revanche, elle trouve amusants les petits défauts, les petites imperfections, et s’arrête surtout volontiers aux histoires où elle trouve l’honnête homme dans une légère contradiction avec lui-même, avec ses désirs et ses projets ; où des sots imbéciles, entichés de leur mérite, sont redressés ou trompés ; où toute prétention est punie d’une manière naturelle ou même accidentelle ; où des projets, des vœux et des espérances, sont tantôt renversés, arrêtés et anéantis, tantôt avancés, accomplis et confirmés soudain ; elle aime surtout à méditer en silence sur les événements où le hasard se joue de la faiblesse et de l’impuissance humaines ; aucun des héros dont elle recueille l’histoire ne doit craindre de sa part le blâme, ni attendre la louange.

LA BARONNE.

Votre préambule éveille le désir d’entendre bientôt un essai. Je ne sache pas néanmoins que, parmi nous (et nous avons pourtant vécu presque toujours ensemble), il soit arrivé beaucoup de choses susceptibles de figurer dans un pareil recueil.

LE VIEILLARD.

Cela dépend beaucoup de l’observateur et du tour que l’on sait donner aux choses ; au reste, je ne veux pas dissimuler que j’ai fait aussi mainte récolte dans les vieux livres et les traditions. Vous rencontrerez parfois, et peut-être sans déplaisir, d’anciennes connaissances sous une forme nouvelle. Mais cela même m’assure un avantage dont je ne veux pas me dessaisir : aucune de mes histoires ne doit être interprétée.

LOUISE.

Vous ne pourrez cependant nous défendre de reconnaître nos amis et nos voisins, s’il nous plaît de déchiffrer l’énigme.