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seillère elle-même, aimable femme, qui avait su prendre quelque empire sur l’esprit de Charles, ne réussit pas à s’en faire écouter, d’autant moins que son mari continuait à lancer des traits acérés contre la jeunesse et l’inexpérience, et à railler la fantaisie des enfants dejouer avec le feu, qu’ils ne savent pourtant pas gouverner.

Charles, que la colère égarait, n’hésita pas à déclarer qu’il souhaitait le succès des armes françaises, et qu’il appelait tout Allemand à faire cesser le vieil esclavage ; qu’il était persuadé que la nation française saurait estimer les généreux Allemands qui se déclareraient pour elle ; qu’elle les regarderait et les traiterait comme des frères, sans les sacrifier ni les abandonner à leur sort ; mais qu’au contraire elle les comblerait d’honneurs, de biens et de confiance.

Le conseiller soutint qu’il était ridicule de penser que les Français eussent un moment l’idée de protéger ces gens-là, par une capitulation ou de quelque autre manière ; les clubistes tomberaient assurément dans les mains des alliés, et il espérait les voir tous pendus.

Charles ne put souffrir cette menace, et s’écria qu’il espérait bien que la guillotine trouverait aussi en Allemagne une abondante moisson, et n’épargnerait aucune tête coupable. Il ajouta quelques reproches très-forts, qui touchaient le conseiller personnellement, et qui, de toute manière, étaient de nature à l’offenser.

« Il faut donc, reprit le conseiller, que je m’éloigne d’une société où l’on ne respecte plus ce qui semblait jusqu’à ce jour digne d’estime. Je suis peiné d’être chassé pour la seconde fois, et par un compatriote. Mais je vois bien que je dois en attendre moins de ménagements que des Français, et je trouve ici confirmée la vieille maxime, qu’il vaut mieux tomber dans les mains des Turcs que dans celles des renégats. »

En disant ces mots, il se leva et sortit de la chambre ; sa femme le suivit ; tout le monde gardait le silence ; la baronne exprima son mécontentement en quelques mots très-vifs ; Charles allait et venait dans la salle. La conseillère revint, tout éplorée, et rapporta que son mari préparait tout pour le départ et avait déjà commandé les chevaux. La baronne se rendit au-