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trer un homme dont la vertu soit pure, qui soit porté à vivre, h se sacrifier pour autrui !

Tandis que l’on faisait diverses connaissances, qui donnaient lieu à de pareilles réflexions, l’hiver s’était écoulé. La fortune s’était de nouveau déclarée en faveur des armes allemandes ; on avait repoussé les Français au delà du Rhin, délivré Francfort et bloqué Mayence.

L’espérance que nos armées poursuivraient leurs avantages, et le désir de rentrer en possession d’une partie de ses biens, ramenèrent à la hâte la famille dans un domaine qu’elle possédait sur la rive droite du Rhin, dans la plus belle situation. Ouel plaisir de revoir le beau fleuve couler devant leurs fenêtres ! Avec quelle joie ils reprirent possession de chaque partie de la maison ! Comme ils saluèrent affectueusement les meubles connus, les vieux tableaux et chaque ustensile ! Quel prix avait pour eux la moindre chose qu’ils avaient jugée perdue ! Et quelles espérances ne conçurent-ils pas de voir un jour tout rétabli dans le premier état, même sur l’autre rive du Rhin !

A peine l’arrivée de la baronne fut-elle annoncée dans le voisinage, que les anciennes connaissances, les amis et les serviteurs accoururent pour la saluer, pour répéter les histoires des derniers mois, et lui demander sur divers sujets conseil et assistance.

Entourée de ces visites, elle fut très-agréablement surprise de voir paraître le conseiller intime de S…. avec sa famille. C’était un homme pour qui les affaires avaient été un besoin dès sa jeunesse, un homme qui méritait et possédait la confiance de son prince. Il était fermement attaché aux principes, et il avait, sur plusieurs sujets, des manières de voir particulières. 11 était exact dans ses discours et ses procédés, et il voulait trouver la même qualité chez les autres. Une conduite conséquente lui semblait la suprême vertu.

Son prince, le pays et lui-même avaient beaucoup souffert de l’invasion française ; il avait appris à connaître la tyrannie de la nation qui ne parlait que de la loi, et l’esprit despotique de ceux qui avaient toujours à la bouche le mot de liberté ; il avait vu que, dans ce cas encore, la multitude était toujours la même, et qu’elle acceptait, avec une grande vivacité, le mot