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nous mènerait trop loin. Ces domaines considérables avaient été jusqu’alors affermés, et, avec mille embarras, on en tirait fort peu de chose. La société que nous connaissons suffisamment est maintenant autorisée à en prendre possession, au sein de l’organisation civile la plus parfaite : de là elle peut agir selon son intérêt, comme membre influent de l’État, et s’étendre au loin dans le désert encore sans culture. C’est là surtout que Frédéric et Lénardo veulent déployer leur action, pour montrer comme on peut reprendre les choses à leur première origine et suivre les voies de la nature.

A peine les personnes dont nous venons de parler se furentelles éloignées, dans une grande joie, du château de Macarie, qu’il s’y présenta des hôtes tout différents, qui furent néanmoins bien reçus à leur tour. Nous ne devions guère nous attendre à voir Philine et Lydie paraître dans ce saint asile, et cependant elles s’y montrèrent. Montan, encore occupé dans les montagnes du voisinage, devait les y rejoindre et les conduire au lieu de l’embarquement par le plus court chemin. Elles furent très-bien reçues par les femmes de la maison. Philine était accompagnée de deux jolis enfants ; simplement vêtue, mais avec un goût ravissant, elle se^faisait remarquer par la coutume bizarre de porter suspendue, par une longue chaîne d’argent, à sa ceinture brodée, une paire de ciseaux anglais, avec lesquels elle taillait quelquefois et coupait en l’air, comme pour donner de l’expression à ses paroles, amusant par ce geste tous les assistants. Elle ne tarda pas à demander si, dans cette maison nombreuse, il n’y avait pas quelques habits à couper. Et il se trouva, comme à souhait, pour sa merveilleuse activité, qu’on avait à faire le trousseau de deux fiancées. Là-dessus Philine observe le costume du pays ; elle fait passer et repasser les jeunes filles devant elle, et se met à l’œuvre en même temps ; mais, agissant avec goût et intelligence, sans rien ôter au caractère du costume, elle sait donner de la grâce à sa roideur barbare, avec tant de délicatesse, que les fiancées s’en trouvent elles-mêmes et en sont trouvées beaucoup mieux, et qu’elle dissipe la crainte qu’on avait eue de la voir s’écarte ? du costume héréditaire.

Lydie, l’habile, élégante et prompte couturière, vint à son