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tôt cette heureuse rencontre. Elle me montra quelques caisses à fleurs, où je reconnus des cotonniers, qui avaient poussé hardiment.

« Vous le voyez, dit-elle, nous élevons et nourrissons ces graines inutiles, et même gênantes pour notre travail, et qui font, avec leur enveloppe cotonneuse, un si long voyage pour venir jusqu’à nous. C’est de la reconnaissance, et nous aimons à voir vivante sous nos yeux la plante dont les débris morts animent notre existence. Vous voyez ici le commencement, le milieu vous est connu, et ce soir, je l’espère, vous verrez une heureuse conclusion.

« Le fabricant lui-même, ou un facteur à sa place, embarque, le jeudi soir, dans le coche les marchandises qui nous sont rentrées pendant la semaine, et, en compagnie d’autres personnes, qui se livrent à la même industrie, il arrive à la ville le vendredi de grand matin. Là, chacun porte ses tissus aux marchands en gros, cherche à les placer de son mieux, et prend quelquefois en payement le coton brut dont il a besoin.

« Mais les gens qui vont au marché ne rapportent pas seulement des matières premières pour la fabrication : avec l’argent comptant, salaire du travail, ils se pourvoient aussi de cent autres choses nécessaires ou agréables. Quand un des membres de la famille s’est rendu à la ville pour le marché, il excite vivement l’attente, l’espérance et les vœux, souvent même l’angoisse. Il éclate un orage et l’on craint pour le bateau. Les gens âpres au gain sont impatients d’apprendre si la vente a été favorable, et calculent d’avance le produit net ; les curieux attendent les nouvelles de la ville, et ceux qui ont le goût de la parure, les habillements ou les objets de mode que le voyageur avait commission d’acheter ; enfin les gens sujets à leur bouche, et surtout les enfants, espèrent des friandises, ne fût-ce que de petits pains blancs.

  • Le départ de la ville est le plus souvent retardé jusqu’au soir ; alors le lac s’anime peu à peu, et les bateaux glissent à la voile ou à force de rames sur la plaine liquide ; chacun s’attache à devancer les autres, et les vainqueurs adressent des railleries à ceux qui se voient forcés de rester en arrière.

« C’est un agréable et joyeux spectacle que la navigation sur