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A mes instances et à mes prières de vouloir bien s’expliquer plus clairement :

« Je le puis, Mas ! dit-elle,car c’en est fait de notre union ; il faut nous séparer. Apprends donc ce que j’aurais voulu te cacher jusqu’aux temps les plus reculés : la forme sous laquelle tu m’as vue dans la cassette est réellement ma forme native et naturelle, car je suis de la famille du roi Eckwald, le puissant monarque des nains, dont la véridique histoire rapporte tant de choses. Notre peuple est toujours, comme autrefois, actif et laborieux et, par conséquent, facile à gouverner. Mais ne te figure pas que les nains soient restés en arrière dans leur industrie. Jadis leurs plus fameux ouvrages étaient des épées, qui poursuivaient l’ennemi, quand on les lançait contre lui, des chaînes invisibles, et qui le liaient mystérieusement, des boucliers impénétrables, et autres choses pareilles : mais aujourd’hui ils fabriquent principalement des objets de luxe et de parure, en quoi ils surpassent tous les peuples de la terre. Tu serais émerveillé, si tu visitais nos ateliers et nos magasins. Enfin notre bonheur serait complet, si toute la nation, et principalement la famille royale, n’était sous le poids d’une fatalité particulière. »

La princesse ayant fait silence un moment, je la priai de s’expliquer plus amplement sur ces étranges secrets, et au même instant elle voulut bien poursuivre en ces termes :

« On sait que Dieu, aussitôt qu’il eut créé le monde, que toute la terre fut essuyée et que les montagnes se dressèrent, puissantes et magnifiques, on sait, dis-je, qu’avant toutes choses Dieu créa la race des nains, afin qu’il y eût aussi des êtres raisonnables, qui pussent admirer et vénérer ses merveilles dans l’intérieur de la terre, les mines et les cavernes. On sait de plus que cette petite race s’enorgueillit dans la suite, et prétendit à l’empire du monde, et que Dieu créa les dragons, pour refouler les nains dans les montagnes. Mais, comme les dragons prirent l’habitude de se glter dans les grandes cavernes et les crevasses et d’y séjourner ; qu’un grand nombre vomissaient des flammes et commettaient beaucoup d’autres désordres, les nains se virent menacés de grands malheurs et de grandes souffrances, en sorte qu’ils ne savaient plus que devenir, et qu’ils s’adres-