Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée

sur l’enpui et le désir que je devais éprouver. Je m’échauffai de plus en plus, comme saisi d’un accès de fièvre, et je lui jurai, à la fin, que, si elle ne voulait pas être à moi et m’appartenir tout de bon, si elle ne voulait pas s’unir à moi, je ne voulais plus vivre ; sur quoi je lui demandai une réponse décisive. Comme elle hésitait à se déclarer, j’entrai en fureur, je déchirai le double et triple appareil de mes blessures, avec la ferme intention de faire écouler tout mon sang. Mais quelle ne fut pas ma surprise, quand je sentis toutes mes blessures guéries, mon corps en merveilleux état et la belle dans mes bras !

Il ne se vit jamais au monde de plus heureux amants : nous nous demandions pardon l’un à l’autre sans savoir de quoi. Elle me promit de voyager désormais avec moi, et bientôt nous fûmes assis côte à côte dans la voiture, la cassette vis-à-vis de nous. Je n’en avais jamais fait mention en présence de la belle, et, même alors, je ne m’avisai point d’en parler, bien que l’objet fût sous nos yeux, et que, par une entente secrète, nous en prissions soin tous les deux selon l’occasion ; seulement c’était toujours moi qui l’emportais de la voiture et qui l’y rapportais, et, comme auparavant, je veillais à fermer les portes.

Tant qu’il y avait eu quelque chose dans la bourse, j’avais continué de payer ; quand l’argent tira à sa fin, j’en fis l’observation.

« Le remède est facile, » me dit-elle.

En même temps, elle m’indiqua deux petites poches pratiquées de côté, vers le haut de la voiture, et que j’avais bien remarquées auparavant, mais sans en avoir fait usage. Elle mit la main dans l’une, et en tira quelques pièces d’or ; puis elle visita l’autre de même, et en tira des pièces d’argent. Par là elle me fit voir la possibilité de continuer nos dépenses comme il nous plairait.

Nous voyageâmes ainsi de ville en ville, de pays en pays, contents l’un de l’autre et de tout le monde, et l’idée ne me venait j)as qu’elle pût me quitter encore, d’autant moins qu’au bout de quelque temps, elle eut l’espoir d’être mire, ce qui augmenta encore notre gaieté et notre amour. Mais, hélas ! un matin je ne la trouvai plus ; et, comme le séjour m’était insup-