Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/330

Cette page n’a pas encore été corrigée

enfin je me prosternai sur le plancher, m’arrachant les cheveux et m’agitant comme un possédé. Tout à coup, j’entends un mouvement léger dans la chambre fermée qui touchait à la mienne, et, bientôt après, on heurte à la porte bien close. Je me lève en sursaut, je saisis le passe-partout ; mais les battants s’ouvrent d’eux-mêmes, et, à la clarté des bougies, ma belle vient à moi. Je me jette à ses pieds, je baise ses vêtements, ses mains. Elle me relève ; je n’ose l’embrasser ni soutenir son regard, et je lui avoue ma faute avec sincérité et repentir.

« Elle est pardonnable, me dit-elle ; mais, hélas ! vous retardez votre bonheur et le mien. 11 vous faudra de nouveau courir un peu le monde, avant que nous puissions nous revoir. Voici encore de l’or, ajouta-t-elle ; il vous suffira, si vous voulez vivre avec quelque économie. Le vin et le jeu vous ont mis, cette fois, dans l’embarras : gardez-vous désormais du vin et des femmes, et laissez-moi espérer un joyeux revoir. »

Elle franchit le seuil de la porte ; les battants se refermèrent. Je heurtai, je priai, mais je n’entendis plus rien.

Le lendemain, quand je demandai ma note, le garçon me dit en souriant :

« Nous savons maintenant pourquoi vous fermez vos portes d’une manière si habile et si incompréhensible, qu’aucun passepartout ne peut les ouvrir. Nous soupçonnions qu’il se trouvait chez vous beaucoup d’argent et de raretés ; mais nous avons vu le trésor descendre l’escalier, et, de toute manière, il nous a paru digne d’être bien gardé. »

Je ne répliquai rien, je payai ma dépense et montai en voiture avec ma cassette. Je poursuivis ma route, bien résolu d’avoir égard désormais aux avertissements de ma mystérieuse amie. Toutefois, à peine arrivé dans une grande ville, je fis de nouveau connaissance avec d’aimables femmes, dont je ne pouvais me délivrer. Elles parurent disposées à me faire payer cher leurs bonnes grâces, car, en me tenant toujours à quelque distance, elles m’entraînaient d’une dépense à l’aufre ; et, comme je ne cherchais qu’à leur faire plaisir, je ne ménageai pas plus ma bourse qu’auparavant, continuant à payer et à dépenser en toute occasion. Et quels ne furent pas mon étonnement et ma joie, lorsque, au bout de quelques semaines, j’observai que ma bourse