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vers les hauteurs voisines. Le surveillant continua ses explications.

« Ce qui nous a déterminés à faire apprendre les langues étrangères, c’est qu’il se trouve ici des jeunes gens de toutes les parties du monde. Pour empêcher que les compatriotes ne se liguent entre eux, comme il arrive d’ordinaire en pays étranger, qu’ils ne se séparent des autres nations et ne forment des partis, nous tâchons qu’ils se rapprochent les uns des autres, en s’enseignant mutuellement leurs langues. Le talent d’en parler plusieurs est surtout indispensable, parce que, dans le marché de fête, chaque étranger aime à trouver, en sa propre langue, une conversation agréable et toutes les facilités désirables pour le trafic. Cependant, de peur que le langage ne s’altère ou que l’on ne tombe dans la confusion de Babel, on ne doit parler, durant tout un mois, qu’une seule langue, d’après le principe qu’on n’apprend rien en dehors de l’élément qu’il s’agit de dompter.

« Nous considérons nos élèves, ajouta l’inspecteur, comme autant de nageurs, surpris de se sentir plus légers dans l’élément qui menaçait de les engloutir, et qui les soulève et les porte ; et il en est de même pour tout ce que l’homme entreprend. Cependant si un de nos élèves montre un goût particulier pour telle ou telle langue, au sein même de cette vie, en apparence tumultueuse, qui offre aussi beaucoup d’heures de loisir, de solitude et même d’ennui, on veille à ce qu’il reçoive un enseignement exact et solide. Vous auriez, je pense, de la peine à démêler, parmi ces centaures imberbes et barbus, nos grammairiens cavaliers, entre lesquels il se trouve même quelques pédants. Votre Félix s’est appliqué à l’italien, et, comme le chant embrasse, ainsi que vous le savez, tout notre système d’éducation, vous pourriez l’entendre, pendant les longues heures du pâturage, chanter diverses mélodies avec goût et sentiment. Une vie active et pratique est beaucoup plus compatible qu’on ne pense avec une instruction suffisante. »

Comme chaque district célèbre sa fête particulière, on conduisit le voyageur dans celui de la musique instrumentale.. Voisin de la plaine, il offrait déjà une succession d’agréables et charmants vallons, de gracieux bocages, de paisibles ruisseaux.