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ceux qui devraient concourir à leur propre bonheur se trouvent être d’un avis absolument opposé, et, par des motifs puisés dans le fond du cœur, résistent à ce qui est aussi louable que nécessaire. On échangea des paroles sans se persuader : la raison ne voulait pas s’accommoder au sentiment, le sentiment se plier à l’utile, au nécessaire ; la conversation s’échauffa ; la raison tranchante porta une atteinte au cœur déjà blessé, qui fit paraître au jour son état, non plus modérément, mais avec passion, de telle sorte que la mère elle-même finit par reculer, avec étonneinent, devant la hauteur et la dignité de la jeune fille, lorsqu’elle lui représenta, avec énergie et vérité, l’indécence et même l’immoralité d’une pareille union.

On peut juger dans quel état de trouble la baronne revint auprès de son frère, et peut-être aussi sentir, quoique imparfaitement, ce qu’éprouva le major, qui, dans le fond du cœur, flatté de ce refus décidé, écoutant sans espérance, mais avec consolation, le rapport de sa sœur, se voyait ainsi relevé de son humiliation, et prenait secrètement son parti d’un événement, devenu pour lui une affaire d’honneur de la nature la plus délicate. 11 cacha pour le moment à sa sœur ces dispositions, et dissimula son douloureux contentement sous l’allégation, fort naturelle en pareil cas, qu’il ne fallait rien précipiter, mais laisser à l’aimable enfant le loisir d’entrer volontairement dans la voie qu’on lui avait ouverte, et qui désormais se présentait comme d’elle-même.

Maintenant nous pouvons à peine exiger de nos lecteurs qu’ils passent de ces émotions poignantes aux circonstances extérieures, devenues cependant si importantes. Tandis que la baronne laissait sa fille, en toute liberté, passer agréablement les journées à jouer du clavecin et à chanter, h dessiner et à broder, à lire seule ou avec sa mère, le major, songeant à l’approche du printemps, s’occupait à mettre en ordre ses affaires domestiques.

Le fils, qui se voyait dans la suite un riche propriétaire, et, comme il n’en pouvait douter, l’heureux époux d’Hilarie, commençait à sentir une ardeur guerrière pour la gloire et l’avancement, en présence de la guerre qui menaçait d’éclater. Dans cette tranquillité momentanée, on se croyait donc assuré que