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La bonne mère opposa d’abord quelque résistance, mais elle finit par céder au joyeux désir d’Hilarie de courir cette aventure ; et nous devons avouer, qu’à la manière dont ces événements nous furent présentés, nous craignîmes que la chose n’offrît quelque danger, un échouement, une submersion de la barque, un péril de mort de la belle, qui serait hardiment sauvée par le jeune homme, pour étreindre plus fortement un nœud encore peu serré. Mais rien de pareil ne se réalisa : la course se fit heureusement ; l’accouchée reçut la visite et les cadeaux ; la compagnie du médecin ne fut pas sans bons effets, et, si l’on essuya çà et là quelque petit choc, si l’apparence d’un moment dangereux sembla inquiéter les rameurs, cela n’eut d’autre suite que de malicieux badinages sur la mine inquiète, le grand embarras, le geste effrayé, que l’un prétendait avoir observé chez l’autre. Cependant la confiance mutuelle avait fait des progrès marqués ; l’habitude de se voir et d’être ensemble dans toutes les circonstances s’était fortifiée, et chaque jour augmentait le danger d’une situation, où la parenté et l’inclination semblent autoriser de part et d’autre le rapprochement et l’intimité.

Mais un agréable incident devait les entraîner, toujours plus avant, dans les sentiers de l’amour. Le ciel s’éclaircit ; il survint une forte gelée, qui d’ailleurs était de saison ; les eaux furent prises avant d’avoir pu s’écouler ; l’aspect de la contrée changea tout d’un coup ; les lieux auparavant séparés par les flots étaient maintenant réunis par une plaine solide, et l’on vit d’abord se produire, comme un heureux intermédiaire, le bel art inventé chez les peuples du Nord pour célébrer l’entrée soudaine de l’hiver et rendre une vie nouvelle à la nature engourdie. Les armoires s’ouvrirent ; chacun chercha les patins qui portaient sa marque, désireux de glisser le premier, même avec quelque péril, sur la glace polie. Parmi les habitants du château, plusieurs savaient aller avec la plus grande vitesse : car ils prenaient ce plaisir presque tous les ans, sur les lacs voisins et les canaux de jonction ; mais, cette fois, ils avaient une plaine immense à parcourir.

Flavio se sentait parfaitement guéri ; Hilarie, instruite par son oncle, dès son plus jeune âge, fit paraître autant de grâce