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raient à peine espérer qu’une jolie bouche daignât leur faire entendre. Flavio lut aussi de ces poèmes alternativement avec Ililarie, et, comme les deux jeunes gens lisaient sur un même manuscrit, qu’ils ne quittaient pas des yeux, pour être prêts à répondre à propos, et qu’à cet effet, l’un et l’autre devaient tenir le cahier, il arriva qu’étant assis côte à côte, les personnes, les mains se rapprochaient toujours davantage, et finissaient, chose toute naturelle, par se toucher furtivement.

Mais, au milieu de cette douce familiarité et des charmants plaisirs qu’elle lui faisait goûter, Flavio était poursuivi d’un souci douloureux, qu’il déguisait mal, et, soupirant sans cesse après l’arrivée de son père, il donnait à entendre qu’il avait à lui confier le plus important secret. Cependant, avec quelque réflexion, ce secret eût été facile à pénétrer. Peut-être la séduisante veuve, dans un moment de colère provoqué par le bouillant jeune homme, avait-elle congédié le malheureux et détruit les espérances qu’il avait obstinément nourries jusqu’alors. Nous n’avons pas essayé de peindre une scène pareille, craignant de ne plus trouver en nous l’ardeur de la jeunesse. Quoi qu’il en soit, il se posséda si peu, que, sans congé de ses chefs, il avait quitté précipitamment la garnison, et, pour chercher son père, était accouru, avec désespoir, à travers la nuit, la’ pluie et l’orage, au château de sa tante, où nous l’avons vu arriver naguère. Les suites d’une pareille démarche le préoccupaient vivement, depuis qu’il était revenu à des pensées plus sages, et, comme l’absence prolongée de son père le privait de la seule intervention qu’il pût espérer, il ne savait ni se calmer ni pourvoir à son salut.

Quels ne furent donc pas sa surprise et son saisissement, lorsqu’il reçut une lettre de son colonel ! Il rompit, avec hésitation, avec angoisse, le cachet bien connu ; mais, après le début le plus amical, le colonel finissait par lui dire que le congé qu’on lui avait accordé était prolongé d’un mois.

Quelque inexplicable que parût cette grâce, elle délivra Flavio d’une inquiétude qui commençait à lui devenir plus pénible encore que les mépris de la veuve. Il sentait maintenant tout son bonheur d’être si bien accueilli par ses aimables parentes ; il pouvait goûter la société d’IIilarie, et il eut bientôt retrouvé