Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/202

Cette page n’a pas encore été corrigée

sage de la bécasse, et, de là, jusqu’à la chasse aux corbeaux, rien n’était négligé ; tout était bien observé, clairement saisi, poursuivi avec ardeur, exposé d’une façon légère, enjouée et souvent ironique.

Cependant il régnait dans tout l’ouvrage un ton élégiaque : c’était comme un adieu à ces plaisirs. Le poème y gagnait une peinture sentimentale d’une vie agréablement passée, et produisait une impression très-salutaire ; mais enfin, comme les maximes, il laissait, après la jouissance, un certain vide. La revue qu’il fit de ces manuscrits, ou peut-être un malaise momentané, attrista le major. A l’âge intermédiaire où il était arrivé7il parut tout à coup sentir vivement que les années, qui d’abord-apportent tour à tour les plus beaux dons, les reprennent ensuite insensiblement. Une saison passée sans aller aux eaux, un été écoulé sans plaisir, le manque d’un exercice régulier, tout lui fit éprouver un certain malaise corporel, qu’il prenait pour un mal’véritable, et qu’il supportait avec une impatience peu sage.

Les membres de la famille étaient restés- quelques mois sans nouvelles les uns des autres : le major était occupé dans la capitale à négocier définitivement certains consentements et certaines confirmations au sujet de son affaire ; la baronne et Ililarie employaient leur activité à préparer le plus agréable et le plus riche trousseau ; le lieutenant, esclave de sa passion, semblait tout oublier pour la belle veuve. L’hiver était arrivé, et il enveloppait toutes les habitations champêtres de tristes orages et d’une précoce obscurité.

Le voyageur qui aurait parcouru, par une sombre nuit de novembre, les environs du noble manoir, et, à la faible clarté de la lune voilée de nuages, aurait aperçu dans l’ombre les champs, les prés, les groupes d’arbres, les collines et les bois. puis tout à coup, aU brusque détour du chemin, aurait vu toutes les fenêtres d’un vaste édifice brillamment éclairées, se serait attendu certainement à y rencontrer une société en habits de fête : mais quelle n’eût pas été sa surprise, après avoir trouvé quelques rares domestiques, pour le conduire par un escalier brillamment éclairé, de voir trois femmes seulement, la baronne, Hilarie et la femme de chambre, commo-