Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/191

Cette page n’a pas encore été corrigée



CHAPITRE IV.

Le major lit a la belle veuve une visite du matin, pour prendre congé, et, s’il était possible, seconder, avec délicatesse, les vues de son fils. Il la trouva dans le plus charmant négligé, en compagnie d’une dame âgée, qui le captiva d’abord par ses manières arables et polies. Les grâces de l’une, la dignité de l’autre, formaient le plus harmonieux ensemble, et leur manière d’être l’une avec l’autre annonçait évidemment qu’elles étaient étroitement unies.

La veuve semblait avoir achevé à l’instant même, par un travail assidu, le portefeuille qui nous est déjà connu. Après les salutations ordinaires et les obligeantes paroles de bienvenue, elle se tourna vers son amie, et lui présenta cet élégant ouvrage, en disant, comme pour renouer une conversation interrompue :

« Vous voyez donc que j’ai fini, bien que les longueurs et les retards ne semblassent pas le permettre.

— Vous venez à propos, monsieur le major, dit la dame âgée, pour juger notre différend, ou du moins pour vous prononcer en faveur de l’un ou de l’autre parti. Je soutiens que l’on ne commence point un travail si considérable, sans penser à une personne à qui on l’a destiné ; on ne l’achève point sans avoir cette pensée. Considérez vous-même cette œuvre d’art (je lui donne ce nom à juste titre) : peut-on avoir entrepris tout à fait sans but quelque chose de pareil ? »

Le major dut rendre un hommage sans réserve à ce travail. En partie tressé, en partie brodé, il excitait à la fois l’admiration et le désir d’apprendre comment il était fait. La soie de toute nuance dominait, mais l’or n’avait pas été dédaigné ;