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sien ; il n’est pas en désaccord avec lui, comme dans l’autre cas. La religion qui repose sur le respect de ce qui est au-dessus de nous, nous l’appelons ethnique-* : c’est la religion des peuples, et le premier degré d’affranchissement d’une crainte vile ; toutes les religions des Gentils sont de cette espèce, sous quelque nom qu’elles soient désignées. La deuxième religion, qui se fonde sur notre respect pour ce qui est pareil à nous, nous l’appelons philosophique ; car le philosophe, qui se place au centre de tout, doit faire descendre jusqu’à lui tout ce qui est supérieur et monter jusqu’à lui tout ce qui est au-dessous, et c’est seulement dans cette position mitoyenne qu’il mérite le nom de sage. Or, en tant qu’il connaît parfaitement ses rapports avec ses égaux, et, par conséquent, avec toute l’humanité, ses rapports avec toutes les autres choses terrestres, nécessaires et accidentelles, on peut dire, dans le sens cosmique, qu’il est seul en possession de la vérité. 11 nous reste à parler de la troisième religion, fondée sur le respect de ce qui est au-dessous de nous : nous l’appelons chrétienne, parce que c’est dans le christianisme que se manifeste surtout ce sentiment : c’est le dernier terme auquel l’humanité pouvait et devait arriver. Mais quels efforts ne fautil pas, premièrement pour s’élever au-dessus de la terre et se reporter à une céleste patrie, et ensuite pour reconnaître, comme choses divines, l’abaissement et la pauvreté, la raillerie et le mépris, l’opprobre et la misère, la souffrance et la mort ; pour respecter même et chérir le péché et le crime, comme étant, non des obstacles, mais des acheminements à la sainteté ! Nous trouvons, il est vrai, des traces de cette doctrine dans tous les temps ; mais des traces ne sont pas un but, et, quand une fois ce but est atteint, l’humanité ne peut plus reculer : aussi l’on osera dire que la religion chrétienne, ayant une fois paru, ne saurait plus disparaître, et que, s’étant incorporé la divinité, elle est désormais indestructible.

— Laquelle de ces religions professez-vous ? demanda Wilhelm.

— Toutes les trois, répondirent-ils ; car c’est proprement leur ensemble qui constitue la religion véritable : de ces trois genres


]. Nationale, particulière.