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et, si je puis m’en consoler un peu, si je puis en prendre mon parti pour le moment, et me présenter devant ma famille, c’est par la pensée que le ciel vous a conduit auprès de moi, vous, qu’une mission particulière laisse indifférent sur la direction et l’objet de votre voyage. Veuillez entreprendre de chercher Nachodine et m’en donner des nouvelles ! Est-elle heureuse, je serai satisfait ; est-elle malheureuse, disposez de mes ressources pour la secourir. Ne regardez pas à la dépense, n’épargnez, ne ménagez rien.

— Mais vers quel point du globe dois-je tourner mes pas ? dit Wilhelm en souriant. Si vous n’avez aucuns pressentiments, comment puis-je en avoir ?

— Écoutez ! La nuit dernière, où vous m’avez vu me promener en long et en large, sans repos, comme un désespéré, au milieu du trouble violent de mon esprit et de mon cœur, je me suis rappelé un ancien ami, un homme vertueux, qui.,’ sans avoir été proprement mon gouverneur, a exercé sur ma jeunesse une grande influence. Je l’aurais prié volontiers de m’accompagner, du moins dans une partie de mes voyages, s’il n’était pas retenu dans sa demeure, comme enchanté, par une belle et précieuse collection d’objets d’art et d’antiquités, dont il ne s’éloigne jamais que momentanément. Cet homme a, je le sais, des relations étendues avec toutes les personnes unies dans ce monde par quelque noble lien. Allez le voir, dites-lui ce que je vous ai confié : il nous est permis d’espérer que sa pénétration délicate lui révélera le lieu, la contrée, où il serait possible de trouver Nachodine. Dans mon angoisse, je me suis rappelé que son père était un homme dévot, et, à l’instant même, je me suis senti assez dévot moi-même pour m’adresser à l’ordre moral et le prier de se manifester une fois, par grâce et par miracle, en ma faveur.

— Il reste une difficulté à résoudre, repartit Wilhelm : que ferai-je de Félix ? Je ne voudrais pas le mener avec moi, ne sachant où je vais, et je ne puis m’en séparer volontiers, car il me semble qu’un 01s ne se forme nulle part mieux que sous les yeux de son père.

— Nullement ! répliqua Lénardo : c’est là une douce erreur paternelle. Le père garde toujours une autorité despotique sur