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éprouvait toutefois un léger sentiment de malaise, dont il ne pouvait se rendre compte.

Ils étaient déjà revenus à la maison, quand la voifure arriva. Ils s’empressèrent d’aller au-devant de la dame ; mais quelle ne fut pas la surprise, la frayeur de Lénardo, quand il la vit mettre pied à terre ! Ce n’était pas elle ! Ce n’était pas la Brui nette ! C’était justement le contraire. C’était aussi une belle personne, d’une taille élancée, mais elle était blonde, avec tous les avantages de ses pareilles.

Cette beauté, cette grâce, troublèrent Lénardo ; ses yeux avaient cherché la Brunette : une tout autre personne brillait devant lui. 11 se rappelait aussi ce visage : le langage, les manières de la belle dissipèrent bientôt chez lui toute incertitude : c’était la fille du justicier, fort considéré de son oncle, qui avait, en conséquence, beaucoup fait pour l’établissement de la jeune fille, et avait protégé les nouveaux époux. Ces détails, et d’autres encore, furent, dès l’abord, gracieusement rappelés par la jeune femme, avec cette joie que la surprise du revoir laisse éclater sans contrainte. On demanda si l’on se reconnaissait ; on parla des changements survenus dans les figures, et qui, chez des personnes de cet âge, sont assez remarquables. Valérine était toujours charmante, d’ailleurs extrêmement aimable, quand la gaieté la faisait sortir de son calme ordinaire. On causa beaucoup, et cette conversation si vive permit à Lénardo de se remettre et’ de cacher son trouble. Wilhelm, qu’un signe de son ami avait assez tôt mis au fait de ce bizarre événement, le seconda de son mieux, et Valérine, agréablement flattée que le baron, même avant d’avoir vu ses parents, l’honorât d’un souvenir et d’une visite, fut bien loin de soupçonner que Lénardo eût un autre dessein et qu’il se fût trompé.

On ne se sépara que bien avant dans la nuit. Les deux amis, qui soupiraient après un entretien secret, s’y livrèrent, dès qu’ils se virent seuls dans leur chambre à coucher.

« Il paraît, dit Lénardo, que mon tourment me poursuivra toujours. Une malheureuse confusion de noms le redouble. J’ai vu souvent cette belle blonde jouer avec la Brunette, qu’on ne saurait appeler une beauté ; quoique de beaucoup leur aîné, j’ai même couru avec elles dans les champs et les jardins. Ni