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RENDSCH NAMEH.


LIVRE DE LA MAUVAISE HUMEUR.


« Où donc as-tu pris ces choses ? Comment sont-elles venues à toi ? Comment as-tu tiré ce chiffon[1] du fatras de la vie, afin de rallumer les dernières étincelles ? »

Ne vous figurez pas que ce soient des étincellements ordinaires : dans les lointains immenses, dans l’océan des étoiles, je ne m’étais pas perdu, il me semblait renaître.

Des flots de moutons blancs couvraient les collines, soignés par de graves pasteurs, qui donnent l’hospitalité pauvrement et de bon cœur ; gens si paisibles, si aimables, qu’ils me charmaient tous.

Dans les nuits redoutables, nous étions menacés d’attaques ennemies ; le gémissement des chameaux ébranlait l’oreille et le cœur, et, de leurs guides, l’imagination et l’orgueil.

Et toujours on avançait et toujours s’étendait l’espace, et toute notre colonne semblait une fuite éternelle, et, derrière le désert et la troupe, la trace bleue d’une mer trompeuse[2].


On ne trouvera point de rimeur qui ne se croie le plus excellent, point de racleur qui ne joue plus volontiers ses propres airs.

Et je ne saurais les blâmer : nous ne pouvons rendre hon-

  1. Allusion à l’ancien usage, d’avoir, en guise d’amadou, des chiffons charbonnés sur lesquels on battait le briquet, et qu’on étouffait de nouveau entre deux plateaux de fer, quand l’allumette avait pris feu.
  2. Le mirage.