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chéries ? Sont-ce des tapis de fête, pour célébrer son mariage avec sa favorite ?

Rouge et blanc, mêlé, bariolé.... rien de plus beau ne pourrait s’offrir à ma vue. Hafiz, comment donc ton Chiraz est-il venu dans les brumeuses plaines du Nord ?

Oui, ce sont les pavots émaillés, qui se déploient ensemble et, bravant le Dieu de la guerre, couvrent les campagnes d’une gracieuse tenture.

Puisse toujours l’homme sage cultiver, pour le bien du monde, de charmantes fleurs, et, comme aujourd’hui, un rayon de soleil les faire briller sur mon chemin !

Discordance.

Si Cupidon joue de la flûte à ma gauche, au bord du ruisseau, et que, dans les champs, à ma droite, Mars embouche la trompette, l’oreille est attirée doucement de l’autre côté ; mais le vacarme lui dérobe la fleur de la mélodie, et, si elle continue, à pleine voix, parmi le tonnerre des batailles, je deviens furieux, ma tête s’égare : est-ce un prodige ? S’il va toujours croissant, le son de la flûte, le bruit de la trompette, je m’oublie, j’entre en fureur : faut-il s’en étonner ?

Le passé dans le présent.

La rose et le lis, baignés de rosée matinale, fleurissent dans le jardin du voisinage ; dans le fond, un rocher s’élève, buissonneuse retraite ; et, entourée d’une haute forêt, et couronnée d’un noble manoir, la cime courbée se prolonge et s’abaisse enfin jusque dans la vallée.

Et ce sont les mêmes parfums qu’autrefois, quand l’amour nous faisait souffrir encore, et que les cordes de mon luth rivalisaient avec le rayon du matin ; quand la fanfare du chasseur s’élançait du hallier, pleine et sonore, pour enflammer, pour réjouir le cœur, selon qu’il le désirait ou qu’il en avait besoin.

Or, les forêts sont toujours verdoyantes : eh bien, que votre ardeur se réveille avec cette jeunesse ! Ce que vous avez goûté pour vous autrefois, vous pouvez le goûter en d’autres ! Nul ne nous accusera plus de ne vouloir du bien qu’à nous seuls.