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ce qui m’arrête par un aimable et magique lien[1]. J’oublie du moins, j’oublie volontiers comme étrangement le sort me mène. Hélas ! et je le sens, près et loin, bien des choses me sont encore préparées. Oh ! si la juste mesure était trouvée ! Que me reste-t-il désormais, sinon que, revêtu, rempli d’une heureuse force de vie, dans un présent tranquille, j’attende l’avenir ?

Espérance.

Souveraine destinée, cette œuvre de mes mains, fais que je l’accomplisse ! Ne me laisse pas, oh ! ne me laisse pas succomber ! Non, ce ne sont pas de vains songes : maintenant faibles tiges, ces arbres donneront un jour de l’ombre et des fruits.

Souci.

Ne reviens pas dans ce cercle nouveau et toujours nouveau ; laisse, laisse-moi mon allure ; accorde, accorde-moi mon bonheur ! Dois-je fuir ? Dois-je le saisir ? C’est flotter assez longtemps. Si tu ne veux pas que je sois heureux, souci, rends-moi sage !

Propriété.

Je sais que rien ne m’appartient que la pensée qui veut couler sans trouble de mon âme, et chaque instant favorable dont un sort propice me laisse jouir pleinement.

À Lina[2].

Mon amie, si jamais ces chansons reviennent dans ta main, assieds-toi au clavecin, où ton ami se tenait près de toi.

Fais résonner vivement les cordes, et puis regarde dans le livre ; mais ne lis pas : chante toujours, et chaque feuille est à toi !

Ah ! qu’elle me semble triste, imprimée, noir sur blanc, la chanson qui, dans ta bouche, peut ravir, peut déchirer un cœur !

  1. Goethe veut parler de Weimar. Il écrit dans le sentiment de la vie nouvelle qu’il mène chez son prince et du temps qu’il perd pour les lettres.
  2. On suppose que cette pièce est adressée à Charlotte (Caroline, Lina).