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La nuit ! (oh ! bonheur, il serait donc nuit !…) la lune voit pâlir devant toi son aimable, son engageante lumière.

Tu es engageante, aimable, et les fleurs, la lune et les étoiles, ô soleil, à toi seule rendent hommage.

Soleil, sois donc aussi pour moi la source des beaux jours ! C’est la vie et l’éternité.

À l’amie absente.

Ainsi je t’ai vraiment perdue ! Ô belle amie, as-tu fui loin de moi ? Dans mon oreille accoutumée résonne encore chaque parole, chaque son.

Comme, le matin, le regard du voyageur vainement plonge dans les airs, lorsque, perdue dans l’espace azuré, là-haut chante l’alouette :

Ainsi mon regard çà et là parcourt avec angoisse les champs, les buissons, les bocages ; toutes mes chansons t’appellent : ô mon amante, reviens à moi.

Au bord du fleuve.

Coulez, chansons bien-aimées, coulez dans la mer de l’oubli ! Qu’aucun amant ne vous répète avec délices, aucune amante, dans la saison des fleurs.

Vous ne chantiez que ma maîtresse ; maintenant elle se rit de ma fidélité : vous fûtes écrites sur l’onde, écoulez-vous avec elle.

Mélancolie[1].

Vous passez, douces roses, mon amie ne vous a point portées ; vous fleurissez, hélas ! pour l’amant sans espoir, à qui le chagrin brise le cœur.

Je me souviens avec tristesse de ces jours, ô mon ange, où tu me tenais dans ta chaîne, où je guettais le premier bouton, et, de bonne heure, je courais à mon jardin.

Toutes les fleurs, tous les fruits encore, je les portais à tes pieds et devant tes yeux ; mon cœur battait d’espérance.

Vous passez, douces roses, mon amie ne vous a point por-

  1. Ces strophes, tirées d’un opéra de Goethe, expriment, nous dit-il, les sentiments qu’il éprouva après s’être séparé d’Élisabeth Schœnemann, qu’il a souvent célébrée sous les noms de Lili et de Bélinde.