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envolées ? Vainement tu avais eu en partage le sort le plus beau : ton âme est troublée, ta résolution confuse. Ce monde sublime, comme il échappe à tes sens !

Soudain s’élève et se balance une musique aux ailes d’ange ; elle entremêle des mélodies sans nombre, pour pénétrer le cœur de l’homme, pour le remplir de l’éternelle beauté : les yeux se mouillent ; ils sentent, dans une plus haute aspiration, le mérite divin des chants comme des larmes. Et le cœur, ainsi soulagé, s’aperçoit bientôt qu’il vit encore, qu’il bat, et voudrait battre, pour se donner lui-même, à son tour, avec joie, en pure reconnaissance de cette magnifique largesse. Alors se fit sentir (oh ! que ce fût pour jamais !) la double ivresse de la mélodie et de l’amour.


Harpes éoliennes.

Lui. Il me semblait n’éprouver point de douleur, et pourtant j’avais le cœur plein d’angoisse ; je me sentais le front serré, la tête vide : enfin mes larm es coulent en abondance, elles épan chent l’adieu jusque-là retenu. Le sien fut calme et serein, et peut-être elle pleure maintenant comme toi. Elle. Oui, il est parti, il faut me résigner : mais laissez-moi seule, ô mes amis. Si peut-être je vous semblais bizarre, cela ne sera pas toujours. Maintenant je ne puis endurer son absence, et il faut que je pleure.

Lui. Je ne suis pas disposé à la tristesse et je ne puis non plus goûter la joie. Qu’ai-je à faire de ces fruits m ûrs, que l’on cueille à chaque arbre ? Le jour me pèse ; l’ennui me prend, lorsque s’allument les feux de la nuit ; ma seule jouissance est de me rappeler sans cesse ta douce image, et, si tu sentais le désir de cette félicité, tu ferais la moitié du chemin pour venir à moi.

Elle. Tu t’affliges de ne pas me voir paraître, de ce qu’éloignée de toi, je suis peut-être moins fidèle : sans cela, dis-tu, mon esprit serait en image devant toi… Iris vient-elle parer l’azur du ciel ? Fais qu’il pleuve : elle reparaît soudain. Tu pleures, tu me revois.

Lui. Oui, sans doute, Iris est bien ton image ! Tu es un ai mable prodige, tu as la souplesse et la magnificence, la diver-POÉSIES.

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