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regarde autour de lui : le monde lui appartient. Une ardeur naïve l’entraîne au loin ; rien ne l’arrête, ni m urailles, ni palais ; comme une volée d ’oiseâux effleure les cimes des forêts, ainsi l’amant s’égare sur la trace de la bien-aimée ; de la plaine éthérée, qu’il délaisse volontiers, il cherche le regard fidèle et ce regard l’enchaîne.,

Mais, averti, trop tôt d’abord, et puis trop tard, il sent son vol arrêté, il se sent pris au filet ; se revoir est charmant, se séparer est pénible ; se retrouver de nouveau enchante plus encore ; les années perdues sont réparées en un moment ; mais enfin l’adieu, l ’adieu perfide, vous attend. Tu souris avec sentiment, comme cela doit être : am i, un adieu terrible te rendit fameux ; nous célébrâmes ta déplorable infortune ; tu nous laissas après toi pour les biens et les maux ; puis la carrière trompeuse des passions nous attira de nouveau dans ses labyrinthes ; et nous, enchaînés p ar mille souffrances, séparés enfin.... La séparation est la mort. Qu’elle est tou­ chante la voix du poëte, lorsqu’elle nous presse d’éviter la mort que la séparation nous amène ! Est-il enchaîné dans ces tourments à demi mérités, puisse un dieu lui donner d’ex­ prim er ce qu’il endure ! 1. Torquato Tasso. Voy. t. III, p. 375, avec une variante.


Élégie.

Et tandis que l’homme reste muet dans sa souffrance, un dieu m’a donné de pouvoir dire ce que je souffre Que dois-je espérer du revoir ? de la fleur de ce jour encore fermée ? Le paradis, l’enfer, sont ouverts devant toi : quels mouvements incertains s’éveillent dans ton âme !... Plus de doute ! Elle s’avance à la porte du ciel, elle t’enlève dans ses bras.

Tu fus donc ainsi reçu dans le paradis, comme si tu étais digne du bonheur éternel. Pour toi plus de désirs, d’espérances, de vœux à former ; c’était là le terme de tes plus secrets efforts, et, dans la contemplation de cette unique beauté, tarirent soudain les larmes du désir.

Comme le jour agitait ses ailes rapides ! Comme il semblait chasser les minutes devant lui ! Le baiser du soir, gage d’union