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MÉPHISTOPHÉLÈS.

Et quelqu’un cependant n’a pas avalé cette nuit une certaine liqueur brune…

FAUST.

L’espionnage est ton plaisir, à ce qu’il paraît.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Je n’ai pas la science universelle, et cependant j’en sais beaucoup.

FAUST.

Eh bien, puisque des sons bien doux et bien connus m’ont arraché à l’horreur de mes sensations, en m’offrant, avec l’image de temps plus joyeux, les aimables sentiments de l’enfance… je maudis tout ce que l’âme environne d’attraits et de prestiges, tout ce qu’en ces tristes demeures elle voile d’éclat et de mensonges ! Maudite soit d’abord la haute opinion dont l’esprit s’enivre lui-même ! Maudite soit la splendeur des vaines apparences qui assiégent nos sens ! Maudit soit ce qui nous séduit dans nos rêves, illusions de gloire et d’immortalité ! Maudits soient tous les objets dont la possession nous flatte, femme ou enfant, valet ou charrue ! Maudit soit Mammon, quand, par l’appât de ses trésors, il nous pousse à des entreprises audacieuses, ou quand, par des jouissances oisives, il nous entoure de voluptueux coussins ! Maudite soit toute exaltation de l’amour ! Maudite soit l’espérance ! Maudite la foi, et maudite, avant tout, la patience !

CHŒUR D’ESPRITS, invisible.

Hélas ! hélas ! tu l’as détruit l’heureux monde ! tu l’as écrasé de ta main puissante ; il est en ruines ! Un demi-dieu l’a renversé !… Nous emportons ses débris dans le néant, et nous pleurons sur sa beauté perdue ! Oh ! le plus grand des enfants de la terre ! relève-le, reconstruis-le dans ton cœur ! recommence le cours d’une existence nouvelle, et nos chants résonneront encore pour accompagner tes travaux.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Ceux-là sont les petits d’entre les miens. Écoute comme