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reuse espérance verdit dans la vallée ; le vieil hiver, qui s’affaiblit de jour en jour, se retire peu à peu vers les montagnes escarpées. Dans sa fuite, il lance sur le gazon des prairies quelques regards glacés mais impuissants ; le soleil ne souffre plus rien de blanc en sa présence, partout règnent l’illusion, la vie ; tout s’anime sous ses rayons de couleurs nouvelles. Cependant prendrait-il en passant pour des fleurs cette multitude de gens endimanchés dont la campagne est couverte ? Détournons-nous donc de ces collines pour retourner à la ville. Par cette porte obscure et profonde se presse une foule toute bariolée : chacun aujourd’hui se montre avec plaisir au soleil ; c’est bien la résurrection du Seigneur qu’ils fêtent, car eux-mêmes sont ressuscités. Échappés aux sombres appartements de leurs maisons basses, aux liens de leurs occupations journalières, aux toits et aux plafonds qui les pressent, à la malpropreté de leurs étroites rues, à la nuit mystérieuse de leurs églises, les voilà rendus tous à la lumière. Voyez donc, voyez comme la foule se précipite dans les jardins et dans les champs ! que de barques joyeuses sillonnent le fleuve en long et en large !… et cette dernière qui s’écarte des autres chargée jusqu’aux bords. Les sentiers les plus lointains de la montagne brillent aussi de l’éclat des habits. J’entends déjà le bruit du village ; c’est vraiment là le paradis du peuple ; grands et petits sautent gaiement : ici je me sens homme, ici, j’ose l’être.

VAGNER.

Monsieur le docteur, il est honorable et avantageux de se promener avec vous ; cependant, je ne voudrais pas me confondre dans ce monde-là, car je suis ennemi de tout ce qui est grossier. Leurs violons, leurs cris, leurs amusements bruyants, je hais tout cela à la mort. Ils hurlent comme des possédés, et appellent cela de la joie et de la danse.