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assez pesante, un petit homme grêle, enveloppé d’un manteau d’une couleur brune singulière, qui formait mille plis et un grand nombre d’autres plus petits encore et flottant autour de sa taille d’une manière si étrange, qu’à la lueur du flambeau, on eût cru voir plusieurs formes se déployer et se replier sur elles-mêmes comme dans les fantasmagories d’Eusler. Il se mit à frotter ses mains, cachées dans ses longues manches, et s’écria :

« Froid ! froid ! oh ! qu’il fait froid !… En Italie, c’est bien différent ! bien différent !… »

Il finit par prendre place entre moi et mon grand voisin, disant :

« Cette fumée est insupportable !… Tabac contre tabac !… Si j’avais une prise seulement ! »

La tabatière de métal poli dont tu m’avais fait cadeau se trouvait dans ma poche ; je la tirai afin d’offrir du tabac au petit étranger. À peine l’aperçut-il, qu’il la repoussa violemment des deux mains, en s’écriant :

« Loin ! bien loin cet odieux miroir !… »

Sa voix avait quelque chose d’effrayant, et, quand je le regardai, tout étonné, il était entièrement différent de ce qu’il m’avait paru d’abord. Il avait sauté dans la salle avec une physionomie agréable et toute jeune ; mais il présentait maintenant le visage ridé, pâle comme la mort, d’un vieillard aux yeux caves.

Saisi d’effroi, je m’élançai vers le plus grand des deux étrangers.

« Au nom du ciel, regardez donc ! » allais-je m’écrier.

Mais lui, absorbé dans l’examen de ses plantes, n’avait rien vu de ce qui venait de se passer, et, dans le même instant, le petit cria : « Vin du Nord ! » avec son ton un peu précieux.

Bientôt l’entretien commença entre nous ; le petit me déplaisait assez, mais le grand savait parler sur les choses les moins importantes en apparence avec beaucoup de profondeur et d’agrément, quoiqu’il eût à lutter sans cesse contre une langue qui n’était pas la sienne, et qu’il se servît souvent de mots impropres ; ce qui, du reste, don-