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aimé, les deux fleurs qui cessent de nager ensemble ; et puis l’une qui disparaît ?

— Là-bas, dit Robert, elles vont se réunir sans doute. »

La jeune fille cacha de ses mains son beau visage ; et la lune sembla la regarder tristement, et le grillon chanta comme s’il gémissait. « Ma Clairette, dit Robert, oh ! ne pleure donc pas ; le voile de l’avenir est impénétrable. »

Six mois s’étaient écoulés, lorsque la guerre éclata et appela aux armes le jeune époux. « Ma bien-aimée, s’écria-t-il, je te serai toujours fidèle. » Et il se prépara au départ.

Mais elle, versait des torrents de larmes. « Bons soldats, s’écriait-elle, mon Robert sait aimer et ne sait pas tuer ; ayez pitié de lui et de moi ! » Vaines prières ! Le devoir est de fer pour ces hommes, et ils ont brusquement séparé les deux époux.

La jeune fille abandonnée gémit bien douloureusement ; elle suivit des yeux son ami, qui, près de disparaître, agitait un mouchoir blanc, l’appelant encore, d’une voix pleurante ; et elle ne le vit plus.

Tous les soirs, elle quitte la maison de sa mère, et, traversant les ombres de la nuit, elle va s’asseoir sur la montagne ; là, sans cesse, elle étend les bras vers le chemin qu’il a suivi, mais ne le voit point revenir.

La source du bocage coule et coule toujours ; l’été n’est plus, l’automne commence ; le soleil se lève, se couche ; les nuages et les vents passent sur la montagne… Le bien-aimé ne revient pas.

La pauvre fille se fanait comme une rose ; elle retourna un jour à la source de la forêt. « C’est ici, dit-elle, ici que j’ai vu la fleur disparaître… Où donc est l’autre, maintenant ? En quel lieu Robert et Clairette se réuniront-ils ? »

Et, succombant aux chagrins de son cœur, elle tomba mourante sur la rive ; mais des images célestes l’environnèrent à son dernier moment ; le baiser d’un ange lui ravit son âme, et la purifia des peines de ce monde.

Un vent léger murmure seul autour de son tombeau,