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Les âmes qui n’étaient pas nées, effrayées de voir si près d’elles l’épouvantable arbre du mal et ses vapeurs empoisonnées, se cachaient, se pressaient en frissonnant les unes contre les autres ; et les âmes qui étaient remontées de la terre pures comme le parfum des fleurs, agitées d’une douce joie, d’un frémissement qui n’était pas sans charme, au souvenir des dangers qu’elles avaient vaincus, s’embrassaient toutes en tremblant. Ève pressait étroitement sur son cœur Marie, la plus chère de ses filles, et, s’agenouillant, elles levèrent au ciel des yeux suppliants et baignés de larmes : « Dieu de l’éternel amour, prends pitié d’elles ! » Cependant, le monstre dardait sur la lune sa langue, effilée et divisée en deux aiguillons, comme les pinces d’un crabe ; il déchirait les lis, il avait déjà fait une tache noire sur la surface de la lune, et il répétait toujours : « Je veux les séduire. »

Tout à coup, un premier rayon du soleil s’élança derrière la terre qui se retirait, et vint colorer d’un éclat céleste le front d’un grand et beau jeune homme qui était demeuré inaperçu au milieu des âmes tremblantes. Un lis couvrait son cœur, une branche de laurier verdissait sur son front, entrelacée de boutons de rose, et sa robe était bleue comme le ciel ; de ses paupières, mouillées de douces larmes, il jeta un regard d’amour sur les âmes troublées, comme le soleil abaisse sur l’arc-en ciel un rayon de flamme, et dit : « Je veux vous protéger. » C’était le génie de la religion. Les anneaux ondoyants du monstre se déroulèrent à sa vue, et il demeura pétrifié, tendu de la terre à la lune, immobile, tel qu’une sombre poudrière, silencieux asile de la mort.

Et le soleil rayonna d’un éclat plus vif sur le visage du jeune homme, qui leva les yeux à la voûte étoilée et dit à l’Éternel :

« Ô mon père ! je descends avec mes sœurs au séjour de la vie, et je protégerai toutes celles qui me resteront fidèles. Couvre d’un beau temple cette flamme divine : elle y brûlera sans le dévaster et sans le détruire. Orne cette belle âme du feuillage des grâces terrestres ; il en