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de Leipsick n’est-il pas venu jusqu’à vous ?… Eh bien, c’est là que Dieu a tenu son audience solennelle… Mais vous ne pouvez m’entendre, vous ne croyez pas à la voix des esprits.

J’ai parlé comme je l’ai dû, et je vais reprendre mon essor ; je vais dire au ciel ce qui a choqué mes regards ici-bas. Je ne puis ni louer ni punir, mais tout a un aspect déplorable… pourtant je vois ici bien des yeux qui s’allument, et j’entends bien des cœurs qui battent de colère.



LA NUIT DU NOUVEL AN D’UN MALHEUREUX

Par Jean-Paul Richter[1].


Un vieil homme était assis devant sa fenêtre à minuit ; le nouvel an commençait. D’un œil où se peignaient l’inquiétude et le désespoir, il contempla longtemps le ciel immuable, paré d’un éclat immortel, et aussi la terre, blanche, pure et tranquille ; et personne n’était autant que lui privé de joie et de sommeil, car son tombeau était là… non plus caché sous la verdure du jeune âge, mais nu et tout environné des neiges de la vieillesse. Il ne lui restait, au vieillard, de toute sa vie, riche et joyeuse, que des erreurs, des péchés et des maladies, un corps usé, une âme gâtée, et un vieux cœur empoisonné de repentirs.

Voici que les heureux jours de sa jeunesse repassèrent devant lui comme des fantômes, et lui rappelèrent l’éclatante matinée où son père l’avait conduit à l’embranchement de deux sentiers : à droite, le sentier glorieux de la vertu, large, clair, entouré de riantes contrées où voltigeaient des nuées d’anges ; à gauche, le chemin rapide du vice, et, au bout, une gueule béante qui dégouttait de

  1. Nous avons cru devoir donner, parmi les poésies, les trois morceaux qui suivent, quoiqu’ils soient en prose dans l’original.