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DÉDICACE[1]


Venez, illusions !… au matin de ma vie,
Que j’aimais à fixer votre inconstant essor !
Le soir vient, et pourtant c’est une douce envie,
C’est une vanité qui me séduit encor.
Rapprochez-vous !… C’est bien ; tout s’anime et se presse
Au-dessus des brouillards, dans un monde plus grand,
Mon cœur, qui rajeunit, aspire avec ivresse
Le souffle de magie autour de vous errant.

De beaux jours écoulés j’aperçois les images,
Et mainte ombre chérie a descendu des cieux ;
Comme un feu ranimé perçant la nuit des âges,
L’amour et l’amitié me repeuplent ces lieux.
Mais le chagrin les suit : en nos tristes demeures,
Jamais la joie, hélas ! n’a brillé qu’à demi…
Il vient nommer tous ceux qui, dans d’aimables heures,
Ont, par la mort frappés, quitté leur tendre ami.
Cette voix qu’ils aimaient résonne plus touchante,
Mais elle ne peut plus pénétrer jusqu’aux morts ;
J’ai perdu d’amitié l’oreille bienveillante,
Et mon premier orgueil et mes premiers accords !

  1. On pense que Gœthe adresse cette dédicace aux mânes de quelques amis, qu’il perdit avant la publication de son poëme.