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saisit la massue du premier qui l’approche ; trois brigands tombent sous ses coups, et les autres prennent la fuite.

Le soleil est brûlant, Méros sent ses genoux se dérober sous lui, brisés par la fatigue. « Ô toi qui m’as sauvé de la main des brigands et de la fureur du fleuve, me laisseras-tu périr ici en trahissant celui qui m’aime ?

« Qu’entends-je ? serait-ce un ruisseau que m’annonce ce doux murmure ? » Il s’arrête, il écoute ; une source joyeuse et frétillante a jailli d’un rocher voisin : le voyageur se baisse, ivre de joie, et rafraîchit son corps brûlant.

Et déjà le soleil, en jetant ses regards à travers le feuillage, dessine le long du chemin les formes des arbres avec des ombres gigantesques : deux voyageurs passent, Méros les devance bientôt, mais les entend se dire entre eux : « À cette heure, on le met en croix ! »

Le désespoir lui donne des ailes, la crainte l’aiguillonne encore… Enfin les tours lointaines de Syracuse apparaissent aux rayons du soleil couchant ; il rencontre bientôt Philostrate, le fidèle gardien de sa maison, qui le reconnaît et frémit.

« Fuis donc ! il n’est plus temps de sauver ton ami ; sauve du moins ta propre vie… En ce moment, il expire : d’heure en heure, il t’attendait sans perdre l’espoir, et les railleries du tyran n’avaient pu ébranler sa confiance en toi.

— Eh bien, si je ne puis le sauver, je partagerai du moins son sort : que le sanguinaire tyran ne puisse pas dire qu’un ami a trahi son ami ; qu’il frappe deux victimes, et croie encore à la vertu ! »

Le soleil s’éteignait, quand Méros parvient aux portes de la ville ; il aperçoit l’échafaud et la foule qui l’environne ; on enlevait déjà son ami avec une corde pour le mettre en croix : « Arrête, bourreau ! me voici ! cet homme était ma caution ! »

Le peuple admire… Les deux amis s’embrassent en pleurant, moitié douleur et moitié joie ; nul ne peut être insensible à un tel spectacle ; le roi lui-même apprend