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tait comme un chant, mon souffle avait donné l’existence aux êtres les plus insensibles.

Alors tout un monde se pressait dans ma poitrine, impatient de se produire au jour, par l’action, par la parole, par les images et les chants… Combien ce monde me parut grand tant qu’il resta caché comme la fleur dans son bouton. Mais que cette fleur s’est peu épanouie ! qu’elle m’a semblé depuis chétive et méprisable !

Comme il s’élançait, le jeune homme, insouciant et léger, dans la carrière de la vie ! Heureux de ses rêves superbes, libre encore d’inquiétudes, l’espérance l’emportait aux cieux ; il n’était pas de hauteur, pas de distance que ses ailes ne pussent franchir !

Rien n’apportait obstacle à cet heureux voyage, et quelle foule aimable se pressait autour de son char ! L’amour avec ses douces faveurs, le bonheur couronné d’or, la gloire le front ceint d’étoiles, et la vérité toute nue à l’éclat du jour.

Mais, hélas ! au milieu de la route, il perdit ces compagnons perfides ; et l’un après l’autre, ils s’étaient détournés de lui : le bonheur aux pieds légers avait disparu, la soif du savoir ne pouvait plus être apaisée, et les ténèbres du doute venaient ternir l’image de la vérité.

Je vis les palmes saintes de la gloire prodiguées à des fronts vulgaires ; l’amour s’envola avec le printemps ; le chemin que je suivais devint de jour en jour plus silencieux et plus désert ; à peine si l’espérance y jetait encore quelques vagues clartés.

De toute cette suite bruyante, quelles sont les deux divinités qui me demeurèrent fidèles, qui me prodiguent encore leurs consolations, et m’accompagneront jusqu’à ma dernière demeure ?… C’est toi, tendre amitié, dont la main guérit toutes les blessures, toi qui partages avec moi le fardeau de la vie, toi que j’ai cherchée de si bonne heure, et qu’enfin j’ai trouvée.

C’est toi aussi, bienfaisante étude, toi qui dissipes les orages de l’âme, qui crées difficilement, mais ne détruis