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« Que Dieu me garde, » s’écrie le comte avec humilité,
« de reprendre jamais pour le combat ou pour la chasse
« un cheval qui a porté mon Créateur ! Si vous ne pouvez
« le garder pour vous-même, qu’il soit consacré au ser-
« vice divin ; car je l’ai donné à celui dont je tiens l’hon-
« neur, les biens, le corps, l’âme et la vie.

« — Eh bien, que puisse Dieu, le protecteur de tous,
« qui écoute les prières du faible, vous honorer dans ce
« monde et dans l’autre comme aujourd’hui vous l’honorez !
« Vous êtes un puissant comte, célèbre par vos exploits
« dans la Suisse ; six aimables filles fleurissent autour de
« vous : puissent-elles, ajouta-t-il avec inspiration, ap-
« porter six couronnes dans votre maison et perpétuer
« votre race éclatante ! »

Et l’empereur, assis, méditait dans son esprit et semblait se reporter à des temps déjà loin… Tout à coup il fixe ses yeux attentivement sur les traits du troubadour ; frappé du sens de ses paroles, il reconnaît en lui le prêtre, et cache avec son manteau de pourpre les larmes qui viennent baigner son visage. Tous les regards se portent alors sur le prince : ce qu’on vient d’entendre n’est plus un mystère, et chacun bénit les décrets de la Providence.




LE COMMENCEMENT DU XIXe SIÈCLE


À ***

Ô mon noble ami ! où se réfugieront désormais la paix et la liberté ? Un siècle vient de s’éteindre au sein d’une tempête, un siècle nouveau s’annonce par la guerre.

Tous liens sont rompus entre les nations, et toutes les vieilles institutions s’écroulent… Le vaste Océan n’arrête point les fureurs de la guerre ; le dieu du Nil et le vieux Rhin ne peuvent rien contre elles.

Deux puissantes nations combattent pour l’empire du