Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LE ROI DE THULÉ


Ballade.


Il était un roi de Thulé qui fut fidèle jusqu’au tombeau, et à qui son amie mourante fit présent d’une coupe d’or.

Cette coupe ne le quitta plus ; il s’en servait à tous ses repas, et, chaque fois qu’il y buvait, ses yeux s’humectaient de larmes.

Et, lorsqu’il sentit son heure approcher, il compta ses villes, ses trésors, et les abandonna à ses héritiers, mais il garda sa coupe chérie.

Il s’assit à sa table royale, entouré de ses chevaliers, dans la salle antique d’un palais que baignait la mer.

Ensuite il se leva, vida le vase sacré pour la dernière fois, et puis le lança dans les ondes.

Il le vit tomber, s’emplir, disparaître, et ses yeux s’éteignirent soudain… Et, depuis, il ne but plus une goutte !




LES MYSTÈRES


Le Matin parut, et ses pas chassèrent le doux sommeil qui m’enveloppait mollement ; je me réveillai, et quittai ma paisible demeure ; je me dirigeai vers la montagne, le cœur tout rajeuni. À chaque pas, des fleurs brillantes, penchant la tête sous la rosée, venaient réjouir mes regards ; le jour nouveau s’emparait du monde avec transport, et tout se ranimait pour ranimer mon âme.

Et, comme je montais, un brouillard se détacha de la surface du fleuve, de la prairie, et s’y répandit en bandes grisâtres. Bientôt il s’éleva, s’épaissit, et voltigea autour de moi. Là disparut la belle perspective qui me ravissait : un voile sombre enveloppa la contrée, et j’étais comme enseveli dans les nuages, comme isolé dans le crépuscule.