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par cette forme artistique, plut à l’aristocratie de l’Allemagne, et, par là, provoqua une réaction qui plus tard le détrôna même dans l’opinion publique. Le fait est qu’il y a bon nombre d’Allemands qui ne connaissent pas un chant de Goethe, tandis qu’ils apprennent tout Schiller par cœur.

La vie de Goethe, qu’il a écrite lui-même sous le titre Poésie et Vérité, ne présente qu’un petit nombre de faits. Ses Mémoires ne sont guère qu’un récit de ses impressions à propos de tous les événements politiques et littéraires qui remuèrent l’Allemagne autour de lui. La longue série de ses amourettes vient seule varier ce tissu léger de rêves et d’appréciations. Marguerite, Claire, Frédérica, lui fournirent, dit-il, les types féminins de ses premières créations ; mais on voit que ces amours laissèrent peu de traces dans une imagination si personnelle et si artiste, et que ces gracieuses images ne repassent plus devant ses yeux qu’à l’état d’éléments poétiques.

Le long séjour de Goethe à Strasbourg et son étude continuelle de la littérature française semblent lui avoir donné cette belle clarté, ce mouvement pur de style et cette méthode de progression, si rares parmi ses compatriotes, et dont les principes remontent surtout à nos grands poètes du xviie siècle.

Le père de Goethe, jurisconsulte distingué, l’avait d’abord destiné à la jurisprudence ; mais Goethe put à peine prendre ses degrés dans la science du droit ; épris du génie et de la gloire de Klopstock, il se jugea digne de marcher derrière lui à la régénération de la littérature allemande.

Dès lors, toutes les forces de son âme se tournèrent vers la littérature ; et nulle époque n’était plus favorable pour l’apparition d’un homme de génie, car Klopstock, qui avait commencé une révolution si brillante, était loin de l’avoir terminée ; il avait éveillé partout une soif de poésie, un désir de bons ouvrages qui risquait de s’éteindre faute d’aliments ; en vain tout l’essaim des poètes en sous-ordre aspirait à continuer le grand homme : sa puis-