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d’autant plus profond qu’elle était moins attendue, et que le souvenir de ses sublimes travaux était encore une espérance. Ses restes ont été transférés depuis dans le tombeau des rois : une telle distinction n’ajoutera rien à sa gloire ; mais elle honore le pays et le prince qui l’ont décernée.

Schiller est certes l’auteur dont les poésies, tant lyriques que dramatiques, furent les plus répandues en Allemagne. Cependant, Schiller est toujours dramatique, même dans ses poésies les plus lyriques, et, comme Kant a eu une grande influence sur la poésie de Schiller, il composa plusieurs poëmes philosophiques et didactiques, tels que la Résignation, etc. Il est, en outre, descriptif et toujours grand orateur. La rhétorique joue, en effet, un grand rôle dans ses poésies comme dans ses drames. Les poésies de Schiller furent populaires avant celles de Gœthe ; car le sentiment de la liberté et du progrès politiques accompagne Schiller jusque dans ses chants d’amour, jusque dans ses ballades et ses odes. Gœthe vint et forma avec Schiller le plus grand contraste littéraire qui ait jamais existé entre deux poëtes. Gœthe se sert pleinement des formes grecques pour l’expression, et n’admet qu’une charpente plastique pour le chant lyrique. Ses poésies diverses sont autant de statuettes, des arabesques, des portraits, des bas-reliefs, existant en eux-mêmes, dans une forme absolue tout à fait séparée du poëte. C’est un artiste qui crée, et non une mère ; l’œuvre ne ressemble aucunement à son maître, car le maître veut rester indifférent à tout, et ne veut que peindre. Donnez-lui une légende, un amour, un ange, un diable, un enfant, une fleur, il le rendra par sa forme plastique, par son expression pure et grecque, d’une manière admirable ; mais lui-même n’y est plus pour rien : sa personnalité n’existe que dans le roman ; mais dès qu’il se met à faire des vers, il revêt son habit d’architecte, de peintre et de statuaire, et fait son travail à son aise, sans se donner beaucoup de peine et sans s’abandonner comme Schiller, qui, à chaque ligne, à ce qu’il prétend, perdait une goutte de sang. Gœthe cependant,