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PRÉFACE
DE LA TROISIÈME ÉDITION


(1840)


L’histoire de Faust, populaire tant en Angleterre qu’en Allemagne, et connue même en France depuis longtemps, comme on peut le voir par la légende imprimée dans ce volume, a inspiré un grand nombre d’auteurs de différentes époques. L’œuvre la plus remarquable qui ait paru sur ce sujet, avant celle de Gœthe, est un Faust du poëte anglais Marlowe, joué en 1589, et qui n’est dépourvu ni d’intérêt ni de valeur poétique. La lutte du bien et du mal dans une haute intelligence est une des grandes idées du xvie siècle, et aussi du nôtre ; seulement, la forme de l’œuvre et le sens du raisonnement diffèrent, comme on peut le croire, et les deux Faust de Marlowe et de Gœthe formeraient, sous ce rapport, un contraste intéressant à étudier. On sent, dans l’un le mouvement des idées qui signalaient la naissance de la Réforme ; dans l’autre, la réaction religieuse et philosophique qui l’a suivie et laissée en arrière. Chez l’auteur anglais, l’idée n’est ni indépendante de la religion ni indépendante des nouveaux principes qui l’attaquent ; le poëte est à demi enveloppé encore dans les liens de l’orthodoxie chrétienne, à demi disposé à les rompre. Gœthe, au contraire, n’a plus de préjugés à vaincre ni de progrès philosophiques à prévoir. La religion a accompli son cercle, et l’a fermé ; la philo-