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M. Clare, dans un moment semblable, le pénétra d’un si vif sentiment de reconnaissance, qu’il fut presque hors d’état de trouver une réponse. Il ne prononça que quelques phrases fort courtes et exprimées avec effort. « Je me conduirai mieux… Ne craignez rien de ma part… Vos excellents avis ne sortiront pas un seul moment de ma mémoire. »

M. Clare passa à un autre sujet. « Je vous ai nommé mon exécuteur testamentaire : vous ne me refuserez pas ce dernier service de l’amitié. Il n’y a que peu de temps que j’ai le bonheur de vous connaître ; mais dans ce peu de temps je vous ai bien observé, et j’ai lu jusqu’au fond de votre âme. Ne trompez donc pas les glorieuses espérances que j’ai conçues de vous !

» J’ai fait quelques legs. Mes anciennes connaissances, du temps où je vivais dans le monde, au moins celles avec lesquelles je vivais dans l’intimité, sont encore toutes chères à mon cœur. Je n’ai pas eu le temps de les appeler auprès de moi dans la circonstance présente ; je ne l’ai même pas désiré ; mais j’espère qu’elles se rappelleront ma mémoire avec plus d’utilité qu’il n’arrive ordinairement dans de semblables occasions. »

M. Clare, ayant ainsi soulagé son cœur, demeura plusieurs heures sans parler. Vers le matin, M. Falkland entrouvrit doucement les rideaux, et contempla le sage à son lit de mort. Les yeux de M. Clare étaient ouverts, et ils se tournèrent aussitôt vers son jeune ami. Son visage était défait et marqué du sceau fatal. « J’espère que vous vous