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contenir ses violences s’étaient retirées : soit timidité, soit faiblesse, les orateurs, l’un après l’autre, retombaient dans le silence. Tyrrel semblait, en apparence, avoir repris son ancien ascendant, mais il sentait bien le peu de solidité de ce triomphe passager, et la rage était au fond de son cœur.

En s’en retournant de l’assemblée il fut accompagné par un jeune homme qui, par une conformité de manières et d’inclinations, était devenu un de ses principaux confidents. On aurait pu croire que l’humeur de M. Tyrrel s’était suffisamment satisfaite dans la conversation qu’il venait d’avoir en quittant la société ; mais il lui était impossible de distraire ses idées du tourment qu’il endurait. « Damné soit ce Falkland ! dit-il : quel misérable drôle pour faire ici tant de fracas ! Mais les sots sont toujours des sots, et les femmes des sottes ; il n’y a pas moyen d’empêcher cela ! Les plus à blâmer, ce sont ceux qui les soutiennent, et M. Clare plus que tout autre. C’est un homme qui devrait un peu connaître le monde, et ne pas se laisser éblouir par du clinquant et des niaiseries. Il paraissait avoir du jugement : je ne l’aurais pas soupçonné d’avoir ainsi mis en train tout ce charivari contre la raison et la bienséance. Mais tout le monde est fait de même ; ceux qu’on croit valoir mieux sont seulement les plus adroits. S’ils prennent une autre route, c’est toujours pour aller au même but. Celui-ci m’a trompé pendant quelque temps, mais c’est bien fini. Tout le mal vient de là. Les sots se trompent ; mais ils ne persisteraient pas dans leur sottise, s’ils n’y étaient en-