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mais il régnait dans son maintien une sorte de réserve et de dignité, je ne sais quoi de solennel que mon peu d’expérience me fit regarder comme une prérogative attachée à sa haute naissance, un moyen donné aux grands pour maintenir la distance qui les sépare de leurs inférieurs. Ses regards, qui souvent erraient douloureusement et avec inquiétude de tous côtés, décelaient l’agitation et la mélancolie de son âme.

Il m’était impossible de désirer une réception plus gracieuse et plus propre à m’encourager que celle que je reçus. M. Falkland me fit quelques questions sur mes études et sur les idées que je m’étais formées des hommes et des choses ; il écouta mes réponses avec condescendance et approbation. Son affabilité m’enhardit, je me sentis beaucoup plus sûr de moi, quoique je fusse encore gêné par la dignité qu’il conservait toujours dans son maintien, quelques grâces qu’il y mît d’ailleurs. Quand la curiosité de M. Falkland fut satisfaite, il m’apprit qu’il avait besoin d’un secrétaire ; que je lui paraissais avoir toutes les qualités propres pour être le sien, et que, si dans le changement d’état où je me trouvais par la mort de mon père, un pareil emploi pouvait me convenir, il me prendrait volontiers dans sa maison.

Cette proposition me flatta beaucoup, et ma reconnaissance éclata dans les expressions de ma réponse. Aidé de M. Collins, je disposai bien vite du peu de bien qu’avait laissé mon père. Il ne me restait plus dans le monde un seul parent dont je