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versaire dont l’animosité avait failli m’arracher la vie. Aussitôt il me vint à l’idée qu’ils étaient entrés dans notre retraite avec des intentions hostiles ; que mon bienfaiteur était sur le point d’être volé, et moi probablement massacré.

Toutefois ce soupçon fut bientôt dissipé. Ils saluèrent mon conducteur d’un air respectueux, en l’appelant leur capitaine. Ils étaient en général très-emportés et très-bruyants dans leurs propos entremêlés de jurements et d’exclamations continuelles ; mais une certaine déférence pour mon hôte tempérait un peu leur fougue. Je crus remarquer dans celui qui m’avait attaqué avec tant d’acharnement, un air d’embarras et d’irrésolution aussitôt qu’il m’eut aperçu ; mais il chercha à secouer ce premier mouvement avec un sorte d’effort, en s’écriant : « Qui diable est donc celui-ci ? » Il y avait dans le ton de cette apostrophe quelque chose qui éveilla l’attention de mon protecteur. Il lança à celui qui venait de parler un regard fixe et pénétrant : « Et vous, Gines, lui dit-il ensuite, le connaissez-vous ? ne l’avez-vous jamais rencontré nulle part ? — Malédiction, Gines ! interrompit un troisième, tu joues diablement de malheur. Il y en a qui disent que les morts reviennent ; tu vois bien qu’il y a quelque vérité à cela… — Trêve de mauvaise plaisanterie, Jeckels, reprit mon protecteur, il n’y a pas là de quoi rire. Gines, répondez-moi, est-ce vous qui êtes cause que ce jeune homme a été laissé ce matin dans le bois, dépouillé et blessé ?

— Eh bien ! quand cela serait, voyons ?