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kins au supplice, quoiqu’il sût qu’ils étaient innocents et que lui seul était le coupable. Après une foule de tentatives et de défaites, après mille indiscrétions hasardées de ma part, mille indications échappées de la sienne, il se décida enfin à me confier sa fatale histoire.

» M. Falkland ! je vous en conjure par ce qu’il y a de plus saint, rappelez-vous ici tout ce qui s’est passé ; me suis-je jamais montré indigne de la confidence que vous m’aviez faite ? C’était un pénible fardeau pour moi que votre funeste secret ; il n’y avait que l’excès de la démence qui eût pu m’amener à m’en rendre maître ; mais, plutôt que de le trahir, j’aurais enduré mille morts. Ce furent votre jalouse inquiétude et le tourment continuel de votre esprit qui vous portèrent à épier tous mes mouvements et à prendre l’alarme à la moindre de mes démarches.

» Vous avez commencé avec moi par la confiance ; pourquoi n’avez-vous pas continué cette confiance ? Le mal qui résultait de ma première imprudence eût été bien léger en comparaison de ceux qui ont suivi. Vous m’avez menacé : vous ai-je trahi pour cela ? À cette époque, un seul mot de ma bouche aurait pu me délivrer pour jamais de vos menaces. Je les ai supportées longtemps ; à la fin, j’ai quitté votre service sans rien dire, et j’ai voulu reprendre ma liberté, comme un fugitif qui se délivre de ses fers. Pourquoi ne m’avez-vous pas laissé aller ? Vous m’avez ramené chez vous à force de stratagèmes et de violences ; vous n’avez pas craint de