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infernale qui eût pu m’inspirer une semblable démarche, et que, si je persistais, j’attirerais le plus rigoureux châtiment sur ma tête. Ma réponse à toutes ces représentations fut courte : j’étais déterminé à poursuivre, et je bravais les conséquences. À la fin, la sommation fut accordée, et on fit signifier à M. Falkland la dénonciation qui venait d’être déposée contre lui.

Il s’écoula trois jours de délai avant qu’il pût être fait aucun nouvel acte de procédure. Cet intervalle ne contribua guère à me tranquilliser. L’idée de soutenir une accusation capitale contre un homme tel que Falkland et de solliciter sa mort n’était pas de nature à me laisser dans un état de calme. Tantôt je cherchais des raisons en faveur de mon entreprise ; c’était la plus juste des vengeances (car la douceur naturelle de mon caractère s’était changée en fiel amer), ou bien c’était un acte commandé par la nécessité de pourvoir à ma propre défense, ou enfin, entre deux maux, c’était choisir celui qui, aux yeux de tout juge impartial et ami de l’humanité, était le moindre, sans contredit. Une autre fois j’étais tourmenté par des doutes. Mais, malgré toutes ces fluctuations d’opinion, je n’en persévérais pas moins dans ma résolution ; je me sentais comme entraîné par une nécessité irrésistible. Les conséquences de ce que j’avais entrepris étaient de nature à épouvanter le plus intrépide : d’une part, le supplice ignominieux d’un homme pour lequel j’avais senti autrefois une profonde vénération, et que même encore quelquefois je ne croyais pas tout à fait sans une