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compliquée ? J’avais à accuser M. Falkland d’une suite de meurtres multipliés. Le meurtrier savait que cette fatale vérité était entre mes mains, et pour cette raison, j’étais dans un danger continuel de perdre la vie par suite de sa méchanceté et de sa vengeance. J’étais résolu de pousser l’affaire jusqu’au bout, et de réclamer justice de tous les tribunaux d’Angleterre. Sous quel prétexte refuserait-il ma déposition ? sous tous les rapports j’étais un témoin compétent. J’étais en âge de connaître la nature d’un serment ; j’étais en jouissance de ma raison et de mes sens ; je n’étais flétri par aucun jugement du jury, ni par aucune sentence légale. Son opinion particulière sur mon compte ne pouvait rien changer à la loi. Je demandais à être confronté avec M. Falkland, et j’étais bien assuré de faire valoir ma dénonciation de manière à le convaincre devant toute la terre. Que s’il ne jugeait pas à propos de le faire arrêter sur ma seule déposition, je ne demandais pas autre chose, sinon qu’il lui fît signifier l’accusation intentée contre lui, et le fît sommer de paraître pour y répondre.

Quand le magistrat vit que je lui parlais d’un air aussi décidé, il crut devoir baisser un peu de ton. Il ne me parla plus d’un refus absolu d’acquiescer à ma réquisition ; mais il daigna entrer en explication avec moi. Il me représenta l’état déplorable où était la santé de M. Falkland depuis plusieurs années ; que déjà il avait eu à subir, sur la même imputation, un interrogatoire fait avec toute la publicité et la solennité possibles ; qu’il n’y avait qu’une méchanceté