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votre cœur montre un excès de bonté, rien ne peut toucher l’âme de cet intrépide scélérat. Je ne me pardonnerai jamais de m’être laissé abuser un instant par ses détestables artifices. Ce n’est pas ici le moment de discuter le procès entre la chevalerie et la loi. Tout ce qu’il y a, c’est que, comme magistrat, ayant fait l’information du délit, j’insiste sur ce qui est de mon devoir, c’est-à-dire sur ce que la justice ait son libre cours, et que l’accusé soit transféré dans la prison du comté. »

Après quelques débats encore de part et d’autre sur le même point, M. Falkland, trouvant M. Forester obstiné, et intraitable, retira son opposition. En conséquence, on manda un officier de justice du village voisin ; le mandat fut délivré, et une des voitures de M. Falkland fut préparée pour me conduire à la geôle. On peut aisément s’imaginer combien cette décision fut pénible pour moi. Je jetais des yeux inquiets sur les domestiques qui avaient été spectateurs de l’information ; mais pas un d’eux, ni par parole ni par geste, ne manifesta le moindre signe de compassion pour mes malheurs. Le vol dont j’étais accusé leur semblait atroce, à cause de son énormité ; et, quand même quelques étincelles de commisération auraient pu s’échapper de leurs âmes simples et ingénues, elles auraient été bientôt étouffées par l’indignation, à cause de la noirceur qu’ils voyaient dans ma récrimination contre leur digne et excellent maître. Mon sort étant ainsi décidé, et un des domestiques ayant été dépêché vers l’officier de justice, M. Forester et M. Falkland se