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ose vous accuser de le poursuivre pour un crime dont vous le savez innocent ; et même, bien plus, d’avoir glissé exprès parmi ses hardes des effets prétendus volés, à dessein de le perdre. Cette scélératesse sans exemple vous fait un devoir de délivrer le monde d’une telle peste, et, pour votre propre intérêt, vous oblige à ne pas vous relâcher de vos poursuites, de peur que votre indulgence pour lui ne donne du crédit à ses abominables mensonges.

— Je ne m’inquiète pas des conséquences, reprit M. Falkland, j’obéis à l’impulsion de mon cœur. Je ne concourrai jamais personnellement à réformer l’espèce humaine par les haches et les gibets ; je suis convaincu que les choses n’iront jamais bien que lorsque l’honneur et non la loi sera l’arbitre souverain du monde ; que lorsque le vice aura appris à reculer devant l’irrésistible puissance et la dignité de la vertu, mais non devant les froides et mesquines formalités d’un code ; si mon calomniateur était digne de mon ressentiment, ce serait mon épée et non pas le glaive du magistrat qui me ferait justice de son insolence ; mais ici je me ris de sa malice, je me résous à l’épargner, comme le roi généreux des forêts laisse vivre l’insecte qui ose attenter à son repos.

— Vous tenez là des discours romanesques, dit M. Forester, au lieu de parler le langage de la raison. Cependant il m’est impossible de ne pas être vivement frappé du contraste dont je suis témoin entre l’élévation sublime de la vertu et l’injustice opiniâtre et inébranlable du crime. Tandis que