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l’avenir, pendant que j’étais sur le bord du précipice.

On trouvera peut-être étrange que je n’eusse jamais révélé ma vie passée ni à cette aimable mère, ni à mon jeune ami : car je pouvais appeler ainsi son fils. Mais, dans le fait, j’avais horreur du souvenir même de mon histoire, et je mettais toute ma félicité dans l’espoir de l’ensevelir dans l’oubli : grâce à cette illusion, je ne m’inquiétais plus des menaces de Falkland.

Un jour, j’étais seul assis à côté de la vertueuse Laura, lorsqu’elle prononça son nom. Je tressaillis, étonné qu’une femme comme elle, solitaire et inconnue depuis l’âge de huit ans au fond de ce désert, pût avoir appris ce nom fatal et redoutable. Je ne fus pas seulement étonné, je devins pâle de terreur. Je me levai de ma chaise, et tentai vainement de m’asseoir de nouveau. Je sortis comme frappé de vertige, et allai m’enfermer dans ma chambre. Un événement aussi imprévu m’accabla. La pénétrante Laura observa ma conduite ; mais, sans en rien conclure alors, elle supposa que toute question me serait pénible, et réprima généreusement sa curiosité.

Je sus depuis que M. Falkland avait été connu du père de Laura ; qu’il avait été informé de l’histoire du comte Malvesi et d’autres circonstances qui faisaient honneur au noble Anglais. L’exilé napolitain avait laissé des lettres où tout cela était raconté, et où il parlait de Falkland avec un enthousiasme de panégyriste. Laura s’était accou-