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tretenir avec moi, et m’invitait à l’aider dans l’éducation de ses enfants. Son fils avait déjà été si heureusement instruit par sa mère, que je trouvais en lui presque toutes les qualités qu’on demande à un ami. Mes leçons et mon inclination me faisaient passer une grande partie du jour dans cette maison. Laura me traitait comme si j’étais de la famille, et je me flattais quelquefois que je pourrais en effet en être un jour. Quelle douce perspective pour moi qui n’avais encore connu que le malheur, et qui osais à peine chercher un regard de sympathie dans un visage humain !

Ma liaison avec cette famille devint chaque jour plus intime. La confiance de la mère en moi croissait de plus en plus. Il est, dans les progrès d’une amitié telle que la nôtre, une foule de points de contact dont ne se doutent pas les amis ordinaires.

Quoique la différence de nos âges ne fût pas suffisante pour m’inspirer ce sentiment, c’était surtout comme une mère que j’estimais et j’honorais la vertueuse Laura, parce qu’elle s’offrait sans cesse à mes yeux avec son caractère de mère. Son fils était un jeune homme intelligent, généreux, sensible et déjà instruit, quoique sa grande jeunesse et la supériorité de sa mère lui ôtassent quelque chose de l’indépendance de son jugement, et lui inspirassent une sorte de religieuse déférence pour elle. Dans la fille aînée je voyais le portrait vivant de Laura : ce qui me la faisait aimer pour le présent, et me faisait croire que je pourrais un jour l’aimer pour elle-même. Hélas ! je me berçais ainsi des visions de